25 Novembre 2022
Sarah Jollien-Fardel
Éditions Sabine Wespieser – Septembre 2022
Jeanne, la narratrice, relate son enfance auprès d’un père très violent, une sœur sensuelle et quelque peu bécasse et une maman aimante qui pare les coups comme elle peut. Dans ce village du canton du Valais, chacun sait la violence du père et tout le monde se tait, car « Ne pas voir ou regarder notre maltraitance, la rendait invisible, c’était la rendre inexistante. » (p. 177) Jusqu’au médecin qui, par lâcheté, passera son chemin. « Qu’est-ce qui est pire ? Être un salopard ignare ou un homme subtil, mais suffisamment lâche pour ne pas voir qu’une gamine de 8 ans a été rossée ? » (p 21/22) Les fillettes grandissent tant bien que mal dans cette « terreur quotidienne qui s’immisçait dans le banal. » (p. 29), la peur chevillée au corps, la terreur grignotant le cœur et l’âme. Emma devient une fille légère et facile ; de celle qui passe de corps en corps pour essayer d’exister. Jeanne veut « s’en sortir » et part étudier pour devenir institutrice. Mais il lui faut fuir encore plus loin du malheur ! Lausanne, le coup de foudre esthétique devant le lac « complice et témoin de sa mue, le ressac disant que désormais son horizon s’étire plus loin que les montagnes de mon enfance. » (p. 38). Des rencontres, un métier, mais comment vivre lorsque « l’on a confisqué toutes nos allégresses… et massacré toutes nos jouissances. » (p. 95) ? …
Coup de cœur pour ce premier roman abouti aux accents vrais et poignants. Les personnages ont une force et une présence rares (pour un premier roman) et le lecteur se voit embarquer dès les premières pages dans cette destinée dévastée. Les sentiments narrés, le vocabulaire employé, concourent à impliquer directement le lecteur. Avec Jeanne, nous essayerons de survivre, tenterons de nous ouvrir à l’amour, nous briserons les ailes… Il y a des blessures qui ne peuvent guérir, juste être colmatées pour quelques jours ou quelques heures. Des vies volées, massacrées que vous et moi croisons au hasard des chemins. Que nous sachions les aider à espérer l’aube de chaque matin...
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