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Médiathèque Paul Valéry

[Rentrée littéraire #8] Vers la violence de Blandine Rinkel

Blandine Rinkel

Éditions Fayard – Septembre 2022 

 

Ce roman raconte l’histoire de Lou grandissant auprès d’une mère aimante mais effacée et d’un père trop adulé. Ainsi Gérard, qui ne sera qu’une fois appelé papa, est solaire et drôle par moments, ténébreux et violent par instants. Un mal-être suinte de cet être ambivalent, au rire tonitruant, père inconstant distillant avec force son désir de grandeur, son mépris de ceux qu’il considère faibles et inintéressants. Cet être, adoré et haï, lui ouvre très tôt les portes de mondes oniriques où « les secrets sont plus précieux que les vérités » (p.95), où il fait bon être moussaillon, de dévorer chaque mercredi le fruit de la conquête : du cheval rouge et saignant ! Gérard lui apprenait, non pas à vivre en société, mais comment survivre en milieu hostile, toujours prête à affronter « l’ennemi » quel qu’il soit : adversité humaine, nature inhospitalière… La joie cruelle et contagieuse de Gérard qui « faisait passer la violence pour de l’extase » (p. 157) façonna Lou ne lui offrant que la possibilité d’écraser, de dominer les autres et surtout son propre corps ! La violence comme rempart contre son moi profond et, pour se « montrer à la hauteur du cynisme du père, d’apprendre la méchanceté. » Lou, celle qui remplace les premiers-nés que le Père a laissé mourir, n’accepte que la violence de l’autre et ne conçoit l’existence que comme une mise en danger permanente, la mort côtoyant de si près la vie…  Ses alliés pour tenter d’exister sont la danse, une autre façon de se maltraiter, et Raphaël, un grand coup de cœur, son âme-sœur. Mais, il est tellement difficile d’annihiler celui dont elle hérita « l’absence, la joie et la violence, les trois choses auxquelles elle tenait le plus au monde. » (p. 318). De fuites en exodes, de gares en salles de spectacles, Lou se réapproprie peu à peu sa vie. Et lorsque le temps fera son œuvre, « seul le silence les relira »… (p.295)

Coup de cœur pour ce roman à l’écriture sobre, incisive et brûlante. Beaucoup de pudeur et une économie de mots pour narrer l’insoutenable et ouvrir les portes de la résilience. Le ton n’est jamais manichéen, l’auteure faisant fi d’un esprit revanchard et trivial. Nous suivrons, avec passion, la dé-construction de tant d’idées reçues, de souffrances tues, de conquêtes à jamais perdues. Comment vivre sans se faire mal après une éducation destructrice ? Comment apprendre à aimer et surtout à s’aimer ? Comment se dépouiller des tribulations des générations passées ?

Un roman bouleversant que je recommande vivement !

 

Extraits :

« J’assure à Gérard qu’il n’a aucune honte à éprouver. Que je prends tout en charge. Que je porterai tout sur mes épaules : sa maladresse, notre ridicule, l’inadéquat climat de camaraderie grivoise dans lequel nous sommes plongés… je peux tout encaisser.. » (p. 272)

« Comment avais-je pu oublier ce ton. Ce ton plein d’une rage ancestrale, contenue depuis des générations, ce ton que mon père avait dû hériter de ses propres parents qui leur venait aussi de leurs parents : comment avais-je pu négliger ce leg de ressentiment, cette malédiction familiale à laquelle personne ne sait comment mettre fin ? comment avais-je pu omettre la violence en héritage, cette boule de cendre que les morts lèguent aux vivants depuis le début de la lignée des Meynier ? » (p. 294)

Vous trouverez le roman Vers la violence dans les rayons de la médiathèque ou ICI.

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