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Médiathèque Paul Valéry

Rentrée littéraire 2020 (15) : Les secrets de ma mère de Jessie Burton

Les secrets de ma mère

Jessie Burton

traduit de l’anglais par Laura Derajinski

Éditions Gallimard – Septembre 2020

 

 

 

Nous sommes en Angleterre en 1980 et le premier chapitre s’ouvre sur la rencontre inopinée d’Élise et de Connie alias Constance Holden la talentueuse auteure plébiscitée par tout un chacun, sûre d’elle, féministe affirmée et un tantinet égocentrique. Pour la splendide et malléable petite Élise, évanescente et comme étrangère à sa propre vie, c’est un véritable coup de foudre et coup de grâce…

Le second chapitre se déroule en 2017 et commence par une phrase choc « J’avais 14 ans quand j’ai tué ma mère. » (p.33). Mort fictive car Rose, invente depuis des années, de multiples vies à cette mère qui l’a abandonnée tout bébé. Elle aborde la trentaine, à l’orée de sa vie, spectatrice fragile et indécise du temps qui court, le cœur et le corps emplis de multiples interrogations. « Ma vie me paraissait immatérielle, mais mon corps était comme lesté et je m’enlisais. » (p.94) Lors d’un séjour en Bretagne, son père lui remet deux romans écrits par une femme qui a jadis connu intimement sa mère avant sa venue au monde et qui semble être la dernière personne à l’avoir vue avant sa mystérieuse disparition. Connie, car c’est bien elle dont il s’agit, vit recluse sans rien publier depuis trente longues années. Le hasard fait qu’elle recherche une aide pour l’épauler dans le quotidien et pour assurer la frappe de son prochain roman. Rose devient alors Laura et s’immisce dans la vie de l’auteure… « Laura Brown, une fille perdue dans la forêt des mots attendant l’épiphanie qu’apporterait le point final de Connie. » (p. 284) Trouvera-t-elle la trace de l’amour maternel ardemment désiré ? Sa quête de l’Autre, lui permettra-t-elle d’oser enfin exister ? Car « il n’y a pas d’autre choix, dans ce monde, que de se faire confiance » (p. 281) …

Roman très agréable à lire qui alterne les deux époques pour expliquer les blessures et déchirures de l’aujourd’hui.  De beaux personnages de femmes habitent les pages de cette intrigue qui se révèle être ce que j’appelle, (et il n’y a rien de péjoratif dans mes propos) un bon roman tout public : fluide, intéressant sans être difficile à lire. L’auteure nous invite à réfléchir sur des sujets comme la quête de soi-même, la maternité, la liberté intérieure et la difficulté de trouver sa juste place dans le monde, surtout lorsqu’on est une femme… Comme ses précédents romans « Miniaturiste » et « Les filles au lion » (que je vous recommande si vous ne les avez déjà lus), « les secrets de ma mère » se dévore …

 

Citations :

« Mon travail consiste à bâtir un pont entre la réalité et la représentation de la réalité. L’important, c’est l’apparence de ce pont, la sensation qu’il donne sous le pied, où il nous mène. » (p.208)

« Élise se demanda si Shara éprouvait encore une douleur dans son corps (après la fausse-couche à 6 mois de grossesse) ou si c’était désormais uniquement dans sa tête, un invité occasionnel qui la guidait en bas d’un escalier qu’elle était la seule à pouvoir emprunter. » (p.117)

« J’avais attendu toute ma vie l’occasion de prononcer à haute voix le nom de ma mère, qu’il évoque quelque chose de précis à quelqu’un d’autre qu’à mon père, et qu’il puisse enfin m’évoquer quelque chose en retour. Quand je levai le regard, je le perçus sur le visage de Connie – la façon dont un être humain peut en reconnaître un autre, alors même qu’ils ne sont pas dans la même pièce, alors même qu’ils sont à deux endroits opposés du globe, alors même que l’un d’eux est peut-être mort. Quand une personne vous regarde comme me regardait Connie cet après-midi-là, c’est comme entrevoir toutes les facettes de son être, ces facettes qu’elle cache aux autres, mais aussi à elle-même – les malentendus les plus profonds, les plus enfouis, les plus interminables, et les amours, les joies, les haines, les tristesses qui composent une vie. C’était comme si on me voyait, moi aussi, pour la toute première fois. C’était comme si je voyais ma mère. » (p.373)

 

  • Littérature anglaise – Quête de soi – Secrets de famille – Maternité

 

  • Vous pouvez trouver le roman à la médiathèque ou ICI
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